Autant le dire tout de suite, la Birmanie est mon pays préféré en Asie du Sud-Est, car c’est aussi celui qui est le plus authentique. La raison en est tragique : coupé du monde depuis la dictature imposée par le général Ne Win en 1962, il n’a pas subi les assauts de la mondialisation. La tenue traditionnelle y est encore de mise avec ces merveilleux longyis, sortes de sarongs qu’arborent fièrement les locaux. Sans parler du thanakha, fameuse pâte cosmétique de couleur ocre, ornant toujours les joues des birmans qui se protègent ainsi du soleil.
Alors, oui, il y a eu la parenthèse enchantée de la courte démocratisation du pays (2015-2020) menée par Aung San Suu Kyi, largement obscurcie par le génocide des Rohingyas. Mais c’est surtout le coup d’état militaire du 1er février 2021 qui a anéanti tous les espoirs et réduit à néant la longue marche vers la liberté qui avait fait naitre tant d’espoirs.
Dans ce contexte, faut-il quand même voyager en Birmanie ?
Est-il possible d'obtenir un visa touristique pour la birmanie ?
Le pays a rétabli les demandes de visas touristiques de 28 jours en ligne, sous réserve de disposer d’un vol retour. Il suffit d’aller sur le site suivant pour ce faire : https://evisa.moip.gov.mm/
Peut-on voyager partout en Birmanie ?
Malheureusement non et pour toute information fiable, mieux vaut s’adresser à Dieu qu’à ses Saints. Je reproduirai donc fidèlement les indications du Quai d’Orsay en date de fin décembre 2024 et que je cite ici :
“La situation sécuritaire en Birmanie est dégradée et les conflits armés y sont intenses.
Les déplacements en dehors de la ville de Rangoun sont formellement déconseillés, à l’exception des zones suivantes :
La Province de Bago : uniquement le township de Bago
L’Etat Shan : Kalaw et Lac Inle (à l’exception de l’extrême sud)
La province de Mandalay : Mandalay et Bagan
La province de l’Irrawady : Ngwesaung
Il est recommandé d’utiliser la voie aérienne pour les villes de Kalaw, le lac Inle, Mandalay et Bagan.
Il est fortement déconseillé d’opérer des trajets par la route, à l’exception de Ngwesaung et Bago, de faire des randonnées, et d’aller dans les zones périphériques des villes”
Pour être informé sur l’évolution de la situation, je vous invite à consulter régulièrement le site de l’ambassade de France en Birmanie dont voici le lien : https://mm.ambafrance.org/Conseils-et-avertissements-aux-voyageurs-pour-la-Birmanie
Peut-on faire confiance aux informations des influenceurs ou des groupes Facebook ?
Bien sûr que non. Souvent ces influenceurs sont originaires de pays amis de la junte au pouvoir. Vous aurez donc souvent des avis enthousiastes de voyageurs russes, chinois ou du moyen-orient. Méfiez-vous en comme de la peste, car les photos idylliques qu’ils font circuler sur le Net, ont été prises avant le putsch militaire.
Comme le suggère en creux le Quai d’Orsay, il faut donc éviter de sortir des sentiers battus et certaines étapes emblématiques et sublimes du pays sont désormais à proscrire notamment :
Le sud du pays allant du “Rocher d’or” à Kawthaung en passant par Dawei, Myeik et les îles Mergui.
L’immense majorité de l’Etat Shan : région de Hsipaw, Lashio, train surplombant le viaduc de Gokteik…
Le pays Kayah et ses minorités ethniques (région de Loikaw)
le delta de l’Irrawady .
L’Arakan : Mrauk U et Ngapali.
Les Etats Chin et Kachin
En résumé, tout ce qui n’est pas autorisé par le Quai d’Orsay est à éviter.
Quelles sont les contraintes sur place ?
Elles sont nombreuses, notamment :
Les check point terrestres sont fermés et les seuls point d’entrée du pays sont les aéroports de Rangoon et Mandalay.
Les petites guesthouses locales ont souvent fait faillite ou restent interdites aux touristes. Vous ne pourrez descendre que dans des hotels agréés par l’Etat qui sont aussi les plus coûteux.
Il est quasiment impossible d’utiliser sa carte bleue, car les distributeurs ATM ne fonctionnent pas et la plupart des commerçants les refusent
Il faut donc tout payer en espèces, de préférence en dollars avec des billets immaculés (pas de déchirures, d’inscriptions ou de pliures)
Le taux de change officiel étant très désavantageux, il est préférable de changer votre argent au marché noir. Le taux varie du simple au double.
Vous n’êtes pas à l’abri d’un couvre-feu soudain ou d’une présence militaire renforcée en fonction de l’évolution de la guerre civile, même si la situation semble s’être stabilisée dans la plaine centrale du pays
UN CONSEIL POUR CONCLURE ?
Si vous souhaitez visiter des sites majeurs (Bagan, lac Inle, pagode Shwedagon à Rangoon, Pont U Bein…) à l’abri de la pression touristique, le voyage reste envisageable et je peux naturellement vous construire un itinéraire et vous orienter vers des prestataires de qualité. Au regard des recommandations du Quai d’Orsay, il faudra privilégier les déplacements aériens et choisir un plan de vol optimisé pour éviter les pertes de temps et d’argent. Il vous sera cependant impossible de sortir des sentiers balisés.
Malheureusement, vous engraisserez aussi l’armée qui se servira de vos devises pour persécuter les minorités. Et pour cause, elle dispose d’un monopole d’état sur les hôtels agréés et les vols aériens.
En revanche, il vous sera possible de soutenir l’économie locale en faisant preuve de bon sens : achats de souvenirs dans les petites boutiques artisanales, dîner dans des “night markets” ou des restaurants fréquentés par les birmans, dons aux bonzes, distribution de stylos aux étudiants dans les écoles, pourboires confortables alloués aux guides indépendants, locations de vélos auprès de petites structures et autres attentions qui ne profiteront pas aux militaires.
Naturellement il sera impératif de vous enregistrer auprès de l’ambassade de France au regard de l’insécurité et des difficultés logistiques évoquées. Il faudra aussi impérativement souscrire une bonne assurance dont le choix vous incombera.
Enfin, il ne faut jamais parler de politique pour ne pas mettre en danger votre interlocuteur, car les murs ont des oreilles.
Il semble néanmoins préférable d’attendre une stabilisation de la situation politique qui permettrait davantage aux birmans de profiter du retour des voyageurs. C’est pourquoi, je vous conseille, si possible, d’attendre des jours meilleurs pour visiter ce pays magnifique et découvrir ce peuple adorable.